Chaturanga Dandasana

Enquête sur un asana reptilien


Chaturanga Dandasana


Chaturanga dandasana, le bâton à quatre pattes.

Petite enquête sur un asana reptilien.


Cette semaine, nous allons explorer, la bâton à quatre pattes, asana de transition essentiel dans Surya Namaskar, la fameuse série des salutations au soleil... Fruit d'une hybridation entre prosternations védiques et gymnastique suédoise, issu du cerveau d'un célèbre culturiste indien du doux nom de Bhawanrao Shrinivasrao Pant Pratinidhi dit le Raja d'Aundh...
Bref, si Chaturanga dandasana ressemble à s'y méprendre à nos « push up" fort prisés par toute la soldatesque mondiale, il y des différences notables que nous allons explorer ensemble.

Je me permets ici un petit détour par une référence hautement intellectuelle de notre patrimoine culturel mondialisé. Je voulais vous parler d'un horrible méchant ( comme il se doit ) dans un vieil épisode de Star Trek. Le gars en question, enfin l'extra terrestre, a une tête de vilain reptile et sa seule ambition est d'anéantir tous les terriens afin d'épancher non seulement sa soif de vengeance mais également de devenir un être à la vie éternelle grâce à toute cette énergie vitale pompée des terriens morts. Décidément les stéréotypes ont la vie dure.. Reptilien équivaut donc à moche donc forcement méchant et sournois

On peut considérer les asana comme une sorte de performance gymnique, sportive « un challenge » pour reprendre le vocable "fashion" du moment. Mais au delà de cette performance physique ils sont aussi une incarnation-exploratoire de grands archétypes tel que animaux, dieux, personnages de légende, éléments naturels...
Nous cultivons au travers des asana des formes particulières d'énergies ou de concentration-expansion du corps et du mental enfin synchronisés en une action-non action. Par exemple dans garudasana ( l'aigle ), le corps fait une action de se resserrer de l'extérieur vers l'intérieur et le regard est très appuyé sur un point, le bout des doigts tendus. Tout converge vers une grande concentration dans cet asana-action. Pour le temps de la posture , nous sommes l'aigle qui fixe de toute son attention sur sa proie qui ici symbolise notre dispersion mentale habituelle. Je prends cet exemple, parce que garudasana est un asana très évident à vivre dans son intention...

Ici avec chaturanga dandasana, c'est un peu moins évident. Et c'est curieusement, cet épisode de Star Trek qui m'a donné l'intuition que chaturanga dandasana était un asana « reptilien ». En pratiquant le bâton à quatre pattes, on incarne la force et l'agilité du crocodile qui en se faufilant avec son ventre tout proche du sol peut bondir d'un instant à l'autre.

Alors pourquoi cette bête histoire de méchant extra terrestre reptilien dans notre histoire... Ben voilà, étant un reptilien, il est d'une part l'incarnation certaines de nos peurs viscérales envers tout ce qui rampe mais il est également l'incarnation d'une source de vie primordiale, très ancienne, archaïque, primitive dans le vrai sens du terme. Il nous renvoie aux premières formes de vies qui se déplaçaient à pa-pattes...

Si Chaturanga dandasana est certes une posture difficile qui demande un certain niveau de pratique postural, elle est aussi une posture de transition dans lequel on se recharge d'une énergie primordiale venant de cette position tellement particulière proche du sol. Après l'exécution de chaturanga, nous sommes prêts à bondir, régénéré d'une force vitale. Après tout quand on constate le temps de vie d'un crocodile ( parfois multi centenaire) et sa très grande résistance, on ne peut qu'être admiratif devant cette force de vie incroyable, véritable miracle du vivant. Le système sympathique de cet animal peut se mettre au ralenti, sorte de « stand by » pendant plusieurs semaines, sans bouger, sans rien manger et puis surgir dans une vitesse d'exécution terrifiante sur sa proie qui n'a rien vu venir. C'est cette énergie vitale, primitive de notre cerveau reptilien qu'éveille chaturanga...

Le bâton qui dort, le bâton à quatre pattes. Le bâton est autre archétype puissant du yoga, c'est en effet grâce au bâton qui supporte l'aisselle par en dessous que Shiva peut trouver le repos yoguique, véritable but du yoga, car sa respiration nasale est ainsi régulée. La dissolution dans cet état de relâchement total est l'exact contraire du bond du crocodile sur sa proie? L'un n'est pas possible sans l'autre, action totale-non action totale...Tout cela en un asana.... Joli programme.

Nakrasana....

Posture du crocodile. Voilà la clé. Chaturanga est une posture archaïque qui suggère le monde reptilien.. Le premier cerveau en dessous de l'hyppotalamus ( nos ancêtres les poissons ) est celui du reptile et on l'a gardé. c'est la partie du cerveau qui sert en cas de danger et met tout le système nerveux en alerte. Chaturanga est une posture intermédiaire, sa raison d'être dans surya namaskar. Elle prépare en étant très physique , à garder tout le système de perception des sens en éveil. Le regard est tourné vers l'avant, les pieds sont retournés sur les orteils, les jambes tendues, les bras pliés.. Tout cela me rappelle, un reptile au sang froid qui ne bouge pas mais qui reste en tension, en éveil total de ses sens pour sauter d'un coup vif sur le premier insecte à sa porté. Coup rapide, réflexe sans erreur possible,; c'est une question de survie pour le caméléon, le serpent, la grenouille, le crocodile. et hop avalé la mouche. Chaturanga-hop nakrasana. Tous les sens sont tendus, la conscience s'aiguise se concentre parce qu'elle ne peut pas faire autrement. Le regard est porté vers l'avant. La posture est très proche du sol, tout le corps, c'est une posture reptilienne, archaïque qui favorise une concentration très affuté. Plus on est près du sol, les jambes tendues, le poids réparti vers l'arrière des talons et vers l'avant des mains et plus elle sera efficace en terme d'énergie. Energie primordiale qui renvoie à nos plus anciens instincts, ça c'est bien torché gars.....